La technique, oui, mais!

 

 

 

 

La technique, oui, mais !

 

 

Une fois  acquis les rudiments de la technique, je me suis vite aperçu, que jamais,  en restant dans l’orthodoxie, je n’arriverai à faire dire à mes images ce que je souhaitais qu’elles disent. Si tant est que cela se puisse !

Il me fallait donc, soit changer de médium, soit  en user de manière non conventionnelle afin de le contraindre et de l’amener là ou il me plairait.

Le médium ne présentait pas pour moi d’intérêt en tant que tel. C’est sa formidable capacité à ingurgiter « le monde », et son apparente facilité d’utilisation, qui me le firent choisir.

 Je voyais la photographie comme un fleuve, un fleuve dégurgité par des millions de rotatives roulant sur des millions de pages de papier, pas toujours glacé. Un fleuve tumultueux, changeant, fantasque, qui nous inondait qui de partout nous étreignait.

Dans ce flot, et dans ce mouvement, tout me semblait possible, égal, d’ailleurs je n’avais que deux  horizons, Paris Match et Man Ray. La même chose en somme. Une terre libre.

Une terre libre, où l’on pouvait donc tracer des sillons en tous sens, ce que d’aucuns avaient d’ailleurs déjà entrepris depuis bien longtemps.

Entrepris oui, mais ils étaient toujours restés dans l’ombre. En ces temps la photo campait aux marches des palais,  gardait les halls d’immeubles et, hormis quelques humanistes pointus, peu avaient acquis un brin de notoriété. Doisneau avait son numéro de téléphone dans l’annuaire, et recevait sans formalités.

La photo, maudite, multiple, sans valeur, sans épaisseur, facile, tout pour me plaire.

Ce qui portait la photo en ce début des années quatre vingt c’était bien la technique en évolution constante. La baisse des coûts et la simplification des procédés la faisaient entrer dans tous les foyers. La photo faisait partie du quotidien, elle était le quotidien. Le quotidien, le présent et déjà le passé, supplantée pour sa part informative, et « ouverture au monde » par une lucarne qui désormais veillait et fascinait, la télévision désormais plurielle et ses images animées.

Il fallait donc chasser sur d’autres terres. Concurrencée, la photo n’était plus le passage obligé pour être dans le flot, dans l’action pour témoigner, pire il flottait déjà des relents de trahison à son sujet. Aurait-elle été depuis toujours manipulée !

La photo s’apprêtait à entrer dans les ambiances cosy ou High Tech des galeries. Matériaux  comme les autres, parmi les autres, avec les autres. Comble de l’ironie durant la décennie suivante ce furent les plasticiens qui lui trouvèrent une singularité et une spécificité, loin très loin il est vrai des canons des traditionalistes,  mais quand même, tout de même, étrange retournement de situation. Et peut être pas si loin des traditionalistes.

Pour ma part j’abordais la photo par le côté boite à outils. Elle était pour moi un matériau sans apriori,  une matière première.

Pour la technique donc, tout m’était bon, je n’avais pas de bible pas de dogme je suivais la voie du hasard et de ma nécessité.

 

 

 

 

 

 

 

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